Pendant la guerre américaine du Vietnam, en plus des armes conventionnelles, l’armée américaine a utilisé des produits chimiques pendant 10 ans, déclenchant ainsi une guerre chimique sans précédent. Le premier épandage de défoliants a eu lieu le 10 août 1961 dans la province de Kantoum au centre du pays. Le programme, intitulé opération « Ranch Hand » se développa progressivement avec le feu vert donné par le président Kennedy en novembre 1961 pour atteindre son paroxysme en 1965. La pulvérisation fut alors généralisée aux forêts aux abords des rivières et aux champs. Les objectifs de cette opération étaient d’empêcher les combattants vietnamiens – les Viets Congs comme les appelaient les Américains– de se cacher dans les forêts, mais aussi de détruire les cultures qui servaient de ravitaillement aux forces vietnamiennes.
Les produits utilisés par l’armée américaine ne sont pas nés de développements militaires mais de développements civils. Ce sont les plus grosses compagnies chimiques américaines, principalement Monsanto, mais aussi Dow Chemical, Uniroyal, Hercules, T.H. Agriculture, Thomson Chemical… qui pendant 10 ans ont fourni l’armée de produits spéciaux en exécutant un contrat commercial d’une ampleur jamais dépassée dans le domaine de l’industrie chimique. Il s’agissait de fabriquer dans un court délai ces produits chimiques dont le plus connu est l’agent orange, mis il existe aussi l’agent violet, l’agent blanc, vert, bleu, rose… repérés par les bandes de couleur peintes sur les fûts dans lesquels ils étaient stockés. L’agent orange a été le défoliant le plus utilisé au Vietnam, la fin de la guerre voyant même l’usage de l’agent super orange (agent orange II encore plus dangereux).
En déversant plus de 80 millions de litres d’herbicides et de défoliants (dont 45 millions de litres d’agent orange) de 1961 à 1971 sur le Vietnam de centre et du sud, le gouvernement américain et les firmes américaines ne pouvaient pas ignorer que l’agent orange était immanquablement porteur de dioxine, le poison chimique le plus nocif qui existe sur terre.
Le résultat de ces épandages :
- Ce sont au minimum 340 kgs de dioxine qui ont pénétré le sol vietnamien (une étude scientifique de l’université de Columbia de New York a révélé que 80 grammes de dioxine dans le réseau de distribution d’eau pourraient tuer 8 millions de ses habitants) et qui ont fait 5 millions de victimes vietnamiennes parmi les militaires et la population civile. Les agents pulvérisés ont en effet provoqué l’apparition de nombreuses maladies qui ont littéralement décimé la population : des cancers, des maladies cardio-vasculaires, des déficits immunitaires graves, des troubles de la reproduction, l’apparition de maladies congénitales.
- Ce sont 500.000 enfants qui sont atteints de terribles malformations et combien d’autres à naître. Car le problème est que cette dioxine, tératogène s’est fixée sur les graisses animales et a contaminé l’homme par la chaîne alimentaire puis s’est transmise de génération en génération par le sperme et le lait maternel.
- Les épandages de l’agent orange ont eu pour conséquences un écosystème complètement dévasté. L’usage de ces désherbants a entrainé un désastre écologique, un écocide, en brûlant plus de trois millions d’hectares de forêts, en mettant à nu plus de 20% de superficie naturelle du sud Vietnam. Les déboisements ont entrainé la disparition d’animaux sauvages et la chute de la production forestière. Le paysage d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec la végétation luxuriante d’avant guerre.
Au départ les experts pensaient que la dioxine disparaîtrait naturellement au fil du temps. Mais en 2015 André Bouny a répertorié 28 endroits au Vietnam où on trouve de la dioxine aux mêmes teneurs qu’après les épandages.
Les conséquences de l’agent orange sont un problème majeur au Vietnam, une quatrième génération d’enfants naissant encore handicapés, victimes de dioxine. L’aide apportée aux enfants souffrant de handicaps moteurs ou mentaux s’est organisée au fil des ans avec la construction de centres comparables au Village de l’Amitié et la création de VAVA ; mais elle reste insuffisante.